Les Gardiens de la Forteresse d'Asuryan
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Forum de l'alliance GFA : Les Gardiens de la Forteresse d'Asuryan, sur l'univers 54 d'Ogame
 
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 Pluie

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MessageSujet: Pluie   Pluie Icon_minitimeJeu 22 Jan - 18:26

Elle regardait la pluie tomber en se demander quand cela allait enfin cesser. La vie était vraiment mal faite. Depuis combien de temps pleuvait-il ? Une heure, Un jour ? Une semaine ?...
Quelle importance, après tout... Elle soupira, et se détourna. La pluie la déprimait.
Elle s'ennuyait tant... Saisissant un bouquin au hasard sur ses étagères, elle se pelotonna sur son lit, qu'elle avait tant de mal à quitter ces derniers temps. Hélas, impossible de se distraire. Ses yeux parcouraient les lignes, son esprit vagabondait sous la pluie froide et triste.
Saleté... Elle avait l'impression qu'il pleuvait en elle, aussi. Comment disait-il, Verlaine, déjà... ? Ah, oui : "Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville." Voilà, c'était exactement cela. La pluie, c'était en elle qu'elle se trouvait, pas à l'extérieur. Les rayons du soleil qui brillaient là dehors étaient gris, et froid, parce que son coeur était froid, son âme était grise.
Elle soupira, reposa le livre, le reprit, tourna machinalement les pages, le reposa.

Elle s'ennuyait tant... Le livre refusait de se laisser lire, le soleil dédaignait de la réchauffer, de l'éclairer... Et les larmes de Verlaine, inlassablement, martelaient son pauvre coeur. Le temps, impitoyable, semblait empêtré dans la mélasse... Il se traînait, lui aussi. Il ressassait,comme elle. Il refusait de continuer à avancer, boudeur, obstiné, engoncé dans sa propre contrariété. Ras-le-bol. Ras-le-bol d'avancer, de faire comme si tout allait bien, comme si rien ne pouvait l'abattre. Ras-le bol de faire semblant, de jouer les optimistes, de pousser les autres à se relever, à ne pas se décourager alors qu'elle était dans un état pire que le leur.
Et ce temps... Et cet ennui, ce désoeuvrement, cette solitude, aussi... "Il pleure dans mon coeur..." Ah, tiens, la pluie avait cessé. Mais le soleil était toujours si froid, si lointain, si inaccessible...

Elle s'ennuyait tant... Elle se releva, laissant le livre posé là, ouvert, sur la couette froissée. Elle ne se sentait pas le courage de le ranger. Allons, bon, quelle heure était-il ? Pour la millième fois en un quart d'heure, elle consulta la pendule. Que c'était long... Un instant, elle s'imagina que le temps s'était figé.
Elle voyait les gens, dans les rues, immobilisés à jamais dans leurs gestes, et cette pensée l'amusa un moment. Puis, elle compris que dans ce cas, elle était seule à vivre encore, à se mouvoir normalement dans un monde paralysé.
Il lui sembla soudain plus difficile d'avancer vers le salon, elle avait l'impression de marcher dans un marécage avec de la boue jusqu'à la poitrine...
Tout à coup, il s'éleva dans la pièce silencieuse l'ouverture de Carmen... Le téléphone ! Elle bondit, s'arrachant à la vase sous les rayons dorés de l'astre du jour bienveillant, décrocha...
"Ecoute, sanglota-t-elle après avoir écouté un instant. Je n'en peux plus. C'est le cauchemar. Je m'ennuie, sans toi... Il pleure dans mon coeur, tu comprends ?... Non, c'est du Verlaine... Je t'en prie, quand reviens-tu ? Quand viens-tu me chercher ?..."
Son visage se décomposa. Elle raccrocha. Il faisait si froid... La pluie s'infiltrait partout... Son univers s'écroulait. C'était fini. Elle était morte, morte son âme, et mort son coeur plus froid que marbre. Même elle, sa propre soeur, ne la croyait pas... Même elle refusait de l'aider à s'en tirer...
Et bien soit, si elle encombrait, ma foi... Pourquoi ne pas leur rendre un dernier service, à tous ces ingrats, qui se détournaient d'elle quand elle avait besoin d'eux ? Il pleuvait à travers le toit, à travers les murs... quels murs, d'ailleurs ? La vase du marécage se refermait sur elle. Elle étouffait, elle perdait pied.

Une semaine plus tard, dans la rubrique des faits divers, on pouvait lire cet article : "Hier, rue de la Pluie, Mlle L... a été retrouvée morte par ses voisins. Intrigués par son absence d'allées et venues, ils ont forcé sa porte et ont aussitôt été agressés par les exhalaisons fétides qui se dégageaient des lieux. Après avoir coulé un bain, Mlle L... y a plongé la tête pour se suicider. La famille a été prévenue et l'enterrement aura lieu dans huit jours. Elle avait pourtant tout pour être heureuse, d'après sa soeur. Une enquête a été ouverte afin de découvrir ce qui a poussé la jeune femme à se tuer..."
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